L'exploitation de la ligne
La ligne Liège-Dalhem-Fouron-le-Comte a une longueur de 31,110 km. Du fait de son parcours accidenté, la vitesse commerciale reste longtemps faible : il faut 1 h 35 jusque Dalhem (que la plupart des trams ne dépassent pas) et 2 h pour le trajet entier.
Dès le début de son utilisation, elle est desservie par des convois mixtes voyageurs – marchandises. Le trafic de marchandises va prendre de l’ampleur et justifier la circulation de convois spéciaux.
Ce petit train remporte d'emblée un franc succès populaire et le tram de Barchon ou « tram treû francs » est vite intégré au folklore local.
A l'horaire du 1er mai 1899, on relève douze allers et retours dont quatre sont limités à la section urbaine (Jupille-Lochet). Le trajet Liège-Barchon prend une heure et le partiel 35 minutes. Les prix s'échelonnent de 10 à 70 centimes en 2e classe et de 15 centimes à un franc en première.
Comme l'écrivait Georges Abraham en 1981 (cf. Blegny-Initiatives, n°96), l’engouement de la population est immédiat. Ainsi, dans les archives de la Commune de Saive, dès le 18 février 1899, nous trouvons une réclamation des habitants qui demandent que soient délivrés des billets aller et retour avec réduction et que l'on crée des abonnements généraux. D'autre part le public souhaite que le nombre de trams vicinaux entre Barchon et Liège soit porté à 8 par jour. Il en va aussi des horaires et la demande de trams circulant en fin de journée (départ de Liège à 19h30’) bien utile pour le retour des ouvriers travaillant en ville.
Le tram à vapeur, c'était toute une époque chère à nos aînés. Pour eux, il évoquait une façon de vivre à jamais disparue. Ils se souvenaient des plateformes encombrées par les cruches des marchandes de lait, les parties de cartes entrent habitués de la ligne. Certains poussaient même la chansonnette. C'était aussi en hiver, les wagons éclairés par des lampes à pétrole, le petit poêle à charbon qui chauffait le compartiment et qu'entretenait le percepteur ou un voyageur.
Autre conséquence de cette ligne : La spéculation immobilière. De nombreux biens sont poussés à la vente ou à la location bonifiés par l’argument de la proximité de cette ligne de tramways directs vers Liège.
Après la guerre 1914-1918, la ligne connaît une nouvelle période de prospérité. En plus des habituels transports de produits agricoles et laitiers, elle assure, suite à la réouverture de la mine de Trembleur à partir de 1921, un trafic conséquent de charbon soit vers Bressoux-dépôt (chargement sur wagons S.N.C.B.), soit vers la Passerelle et la Meuse (transbordement sur péniches).
Peu avant 1940, l'exploitation est assurée en partie par des autorails diesel. Ainsi, Fouron-le-Comte retrouve une meilleure desserte, surtout le dimanche, et le temps de parcours est fortement réduit (1 h 20 de bout en bout).
En 1934, dans l'attente des autres autorails qui commencent à apparaître au groupe de Liège, la S.N.C.V. organise un service de train léger (deux voitures tractées par une machine à vapeur type 4) avec retour à la Passerelle comme terminus. Le temps de parcours se trouve réduit à 50 min pour Barchon, 1 h 15 pour Dalhem et 1 h 45 pour le trajet entier. Le nombre de circulations est augmenté avec un départ de Liège toutes les heures. Fouron reste cependant défavorisé car la majorité des convois ne dépasse pas Dalhem ou parfois même Trembleur.
Pendant longtemps le tram vicinal rendra d'immenses services aux villageois de nos campagnes. Mais déjà en 1930, un concurrent apparait : l’autobus.
L’électrification
1910 : Le réseau urbain est électrifié, ce qui permet le déplacement du terminal passagers à la place Saint-Lambert (Les machines à vapeur, trop polluantes étant proscrites du centre-ville).
1938 : Ce n'est que 28 ans plus tard que l'électrification du tronçon Jupille (Lochet)-Bellaire est adjugée. En 1939, les premiers travaux sur de la section suivante (Saive notamment) sont entamés.
En 1940 (15/07), la section Jupille (Lochet)-Bellaire est mise sous tension. Cela va modifier le numéro de la section "rurale" de la ligne en 466/B (La section urbaine devenant 466/A).
En 1941 (21/04), l'électrification de la section Bellaire-Saive est poursuivie sous l’occupation allemande. Sa mise en service (avant le 12 juin 1941) nécessite la construction d’une nouvelle sous-station électrique à Saive. Ensuite, en 1943 (22/11) c'est au tour de la section Saive-Barchon d'être électrifiée. Le reste de la ligne reste en traction autonome.
1947(25/12) : Enfin, après la guerre, l'électrification de la section Barchon-Blegny (Station) est finalisée. L'électrification de la ligne n'ira pas plus loin. Le reste du trajet jusque Dalhem sera à nouveau assuré par les autorails diesel. A la même époque, le prolongement du service électrique jusqu'à la place Saint-Lambert à Liège se fera via les voies du service urbain Liège-Jupille (Ligne 60) replacées sur le nouveau pont des Arches.
Faits de guerre
En 1914, suite à la destruction du pont des Arches, le réseau des tramways est fortement impacté. Le service est maintenu en partie avec les moyens du bord. Par après, l’occupant allemand va procéder au démontage des voies entre Warsage et Fouron (fin 1915) puis entre Jupille et Warsage (nov.1917). La voie est rétablie provisoirement vers la place Saint-Lambert en 1919 Ainsi que jusque Dalhem en 1921 puis Fouron en 1922.
Entre 1928 et 1930, le terminus passagers de la place Saint-Lambert est à nouveau inaccessible suite à la reconstruction du pont des Arches.
Le 11 mai 1940, le pont des Arches saute pour la seconde fois, et replonge la ligne dans son isolement (sur la rive droite de la Meuse). La remise en marche est laborieuse (une bonne partie du matériel ayant été évacuée sur la rive gauche peu avant).
Fin 1942, le tram est limité à Dalhem suite, à nouveau, au démontage de la ligne par l'occupant entre Dalhem et Fouron (au profit semble-t-il de la ligne Eupen-Aix-la-Chapelle).
Le terminus passagers est rétabli place Saint-Lambert fin 1947.
En plus de l’acheminement d’une main-d’œuvre importante indispensable au développement économique du bassin industriel liégeois, le vicinal va assurer l’acheminement de nombreux produits agricoles du Pays de Herve ainsi que de ses artisans dont les armuriers locaux.
Pourtant c'est le transport de la houille à partir du charbonnage de Trembleur qui va s'imposer, survivant même à l'arrêt du service voyageurs.
Dès 1921, le charbon est acheminé principalement vers Liège (deux wagons marchandises étaient accrochés de part et d’autre d’un wagon passagers) et transbordé dans des péniches amarrées le long du quai des Pêcheurs. En retour, le tram ramène des bois de mine nécessaires à l'étançonnement des galeries minières. D'autres transports de charbon sont également chargés sur wagons de chemin de fer en gare de Bressoux (Trou-Louette).
Dans les années 1940, le terminus du Quai des Pêcheurs voit encore passer de temps en temps quelques wagons de charbon à décharger à la pelle dans des chalands amarrés près de la Passerelle.
En 1952, la section Dalhem-Warsage est reconstruite. Dès le 28 juin, le chargement de la houille à Trembleur est effectué directement dans de grands wagons portés par trucks-transporteurs qui les amènent à Warsage où ils sont chargés sur des trains de la S.N.C.B.
Ce service vicinal (S.N.C.V.) s’arrête définitivement en 1960.
Enfin et jusqu' à la fermeture du charbonnage
de Trembleur en 1980, l'exploitation du tronçon Trembleur-Warsage est reprise directement par le celui-ci.
Concurrence : La ligne de bus BAAR
En 1930, un autocariste de Mortier, J. Baar, crée une ligne d’autobus privée entre Mortier et Liège. Son idée est de relier des zones mal desservies par la ligne du tram Liège-Fouron aux environs de Dalhem.
Il obtient une concession temporaire (véhiculer des voyageurs les matins et soirs) qui est renouvelable à condition qu'il ne concurrence pas le tram vicinal.
Le trajet de sa ligne débute à Mortier. Elle dessert ensuite Julémont, Dalhem, Feneur, Saint-Remy, Housse, Saive et la Xhavée. Les bus « BAAR » conduisent avec rapidité, confort et ponctualité les voyageurs jusqu’ en Outre-Meuse (Place de l’Yser à Liège).
Dès le début, les relations sont plus que tendues entre Baar, à l'humeur acariâtre, et la S.N.C.V. La commune de Saive, notamment, va profiter de ce mauvais état d'esprit entre les sociétés concurrentes pour mettre la pression en 1938 sur la S.N.C.V. pour qu'elle hâte la création du pont au-dessus des voies de chemin de fer à Bressoux et l'électrification de la ligne vicinale.
Concrètement, la commune propose à Baar de renforcer sa ligne de bus avec chargement à Saive, en vue de l'Exposition Internationale de l'Eau prévue en 1939.
Cette ligne rapidement mise en place sera opérationnelle, les années de guerre exceptées, jusqu’en 1955, année où la S.N.C.V. obtint un monopole pour les lignes de bus.
Malheureusement, en avril 1964, quand la société Baar convoitant l'ouverture de la ligne : Visé-la Calamine, est évincée par la même S.N.C.V. Monsieur Baar, excédé, se rend à son siège et tente de faire feu sur son directeur. Baar, emprisonné, sa petite société privée est dissoute.