Une dame astucieuse
Marie Ernotte raconte

Durant la deuxième guerre mondiale (1940-45) on volait beaucoup, mais uniquement pour sa survie et les besoins de sa famille.
A cette période, qui ne cultivait pas un coin de terre ? Souvent les gens plantaient des poireaux, des pommes de terre, des choux de toutes espèces ou possédaient un petit élevage. Même les bacs à fleurs étaient réutilisés pour y faire pousser du persil et autres condiments. Tout cela à l'insu de l'occupant bien sûr. Ses contrôleurs n' auraient pas hésité un instant à confisquer le tout, même le peu que l'on recevait du ravitaillement, Dieu seul sait à qui cela aurait profité alors ?

Monsieur et madame Fraikin-Bartholomé
Cour Juvigné au Mosty (1936)

En début de saison, le mari d'une brave dame avait repiqué des céleris et des salades. Malheureusement, dès la nuit suivante ses légumes avaient disparu.
Plus tard, lorsque le potager à pommes de terre, près de son habitation, arriva à maturité et malgré un cadenas sur la barrière, la dame vit un homme (peu de femmes à l'époque portaient des pantalons) venir des prairies avoisinantes et repartir avec un sac sur l'épaule.
Elle se dit que ses précieux tubercules prendraient certainement le même chemin. Elle décida donc de monter la garde à la fenêtre de sa chambre, discrètement et prudemment à cause de l'occultation obligatoire en temps de guerre. Auparavant, ne sachant pas si le gars était armé, elle gonfla 2 ou 3 sachets de papier gris pour tenter de l'effrayer s'il revenait. Ce qu'il ne tarda pas à faire. Dès qu'il voulut franchir à nouveau la barrière, elle fit violemment éclater un sachet en se retirant promptement tout en refermant sa fenêtre. Notre homme terrorisé prit immédiatement la poudre d'escampette, laissant sur place son butin.
Tout le patelin fut réveillé, croyant à un coup de feu et n'osant pas sortir, pensant qu'il devait s'agir de l'armée blanche.

Cette brave femme attendit l'aube pour récupérer le précieux colis. Elle n'avait rien volé puisque ce fut en somme une remise à domicile d'un gros sac de pommes. Elle ne revit plus jamais ce « gentil » visiteur.
Cette dame, c'était ma maman.

Marie Ernotte - 13.06.2005