Les Combats de Rabosée en Août 1914
Plan d'invasion allemand - Détail des itinéraires des 6 brigades de l'armée de la Meuse (Von Emmich) chargées de la prise de Liège.
Le 4 Août 1914 éclate une guerre qui deviendra la pire des boucheries que l' homme ait jamais enfanté.
Les armées allemandes violant la neutralité belge vont se ruer sur la région liégeoise pour le plus rapidement possible vaincre l' armée belge et se retourner contre les Français, objectif principal du front ouest.
Loin de se laisser impressionner par la supériorité de l' armée ennemie, les Belges vont opposer une résistance remarquable qui vaudra à la ville de Liège la croix de la Légion d' honneur de la part de la République française.
Rabosée est un des faits d' armes les plus mémorables de la défense de Liège ces tous premiers jours de l' offensive.
En voici le récit détaillé.
Sur le plateau entre les vallées de la Meuse et du ruisseau Sainte-Julienne, à trois cents mètres en avant et autour du carrefour des « Quatre-Bras », le Major Clerdent (14e de Ligne) commande un barrage improvisé à la hâte pour stopper l' avance allemande. Il dispose à gauche d'une redoute défendue par la 2e compagnie du 1er bataillon du 9e régiment de forteresse, au centre (coupant la route de Cheratte-Sarolay) de la 3<sup>e</sup> compagnie (Ct Lardinois) du 1er bataillon du 14e régiment de Ligne et à droite, à cheval sur la route de Housse, de la 1re compagnie (Ct Malevez) du même bataillon du 14e de Ligne.
Ces trois compagnies comptent au total environ 450 hommes. Chaque défenseur a reçu 400 cartouches. Ils vont affronter la 27e brigade allemande (général von Massow), 25e et 53e régiments d' infanterie (5000 hommes). De minuit à deux heures, ce sera une lutte épique commencée à trente mètres et qui ira jusqu'au corps à corps devant les tranchée de la compagnie Lardinois.
Le barrage de Rabosée subit son baptême du feu au cour de la contre-attaque menée par le général Bertrand dans l' après-midi du mercredi 5 août, contre les troupes allemandes qui s' étaient infiltrées à Chefneux. Pendant plus d' une heure, des coups de feu furent échangés entre les allemands surgis à la lisière de Hoignée et les hommes de la redoute, faisant ainsi des victimes de part et d' autre.
Mais l' assaut était pour la nuit, ainsi que l' avait prédit le Roi Albert au Général Leman, commandant en chef de la place fortifiée de Liège.
Venant de Visé, la 27e brigade allemande doit remonter la rive droite de la Meuse sur la route de crête partant d' Argenteau avant de descendre sur Jupille, soit l' intervalle entre le fort de Pontisse et celui de Barchon
6 Août 1914 -0h00: La 27e brigade allemande se présente en formation de marche, en colonne par quatre à hauteur du barrage dont elle semble ignorer l' existence. Un "Taube" (avion de reconnaissance) avait pourtant survolé la zone quelques heures auparavant.
Les Belges ouvrent le feu. Des dizaines d' assaillants sont foudroyés et les soldats allemands se réfugient dans les haies et les prairies. Les soldats belges ayant tiré trop haut, des balles vont frapper le 25e d' infanterie qui se trouve derrière le premier régiment. Ceux-ci répliquent et tirent dans le dos de leurs compagnons du 53e, pris entre deux feux. Les soldats se retournent et tirent à leur tour sur le 25e régiment. Les deux régiments allemands se fusillent mutuellement !
Pendant deux heures, les Allemands lancent des vagues d' assaut successives.
-2h10: Le capitaine Langemak, du 25e, parvient à pénétrer dans la maison Falla en bordure de la route de Cheratte à hauteur des unités belges. Avec une mitrailleuse, il déclenche un tir meurtrier qui prend en enfilade les troupes massées dans la tranchée qu 'il domine. Tout un peloton (sergent-major Evrard) est anéanti.
-4h30: Les Belges reçoivent une nouvelle dotation de munitions. Ils peuvent déloger les tireurs allemands qui dominent leur tranchée. Le 53e d' infanterie allemand parvient à déborder la redoute dominant la vallée de la Meuse, mais les Allemands doivent attendre jusqu' à 6h30 pour l' occuper car 18 survivants retranchés la défendent encore. Ils y trouvent 82 cadavres.
-5h00: Les Allemands s' installent dans les premières tranchées belges. Ils mettent des mitrailleuses en batterie et prennent les Belges en enfilade.
Du côté belge, l' ordre de retraite doit être donné. Menacées de capture, les deux compagnies du 14e de Ligne ou tout au moins ce qu 'il en reste, se retirent lentement vers les Quatre-Bras où elles tentent la défense de la Ferme Delhez.
-6h30: La 27e brigade déferle sur le barrage belge. Déjà les mitrailleuses allemandes sont sur la route de Wandre, à 100 mètres de la ferme. Il n' y a plus qu' à reculer jusqu 'à La Xhavée.
-7h00: Mais les Allemands qui comptent déjà un millier de tués et de blessés, n' exploitent pas leur succès. La retraite de la 27e brigade est sonnée et celle-ci fait demi-tour. Les troupes se regroupent à Argenteau, Dalhem et Richelle.
C' est un terrible échec pour les Allemands dont les pertes sont considérables.
-9h00: La contre-attaque de la brigade Bertrand reprend Rabosée. Il y a 133 tués et 150 blessés parmi les défenseurs.
Après le retrait des troupes belges sur la rive gauche de la Meuse le 7 août et ensuite leur repli sur Anvers, les forts autour de Liège résisteront encore une semaine.
Loncin explosera le 15 août, Flémalle et Hollogne tomberont le 16. Ils empêcheront les allemands de progresser aussi vite qu'ils l' auraient voulu et favoriseront ainsi la mise en place des armées alliées qui sur la Marne arriveront enfin à stopper définitivement l' avance ennemie.
Malheureusement les Allemands se vengeront sur la population d' avoir subi pareille résistance. Dans bon nombre de villages autour de Liège, les « boches » comme on va les surnommer vont en représailles exécuter lâchement des civils. La ville de Visé sera entièrement détruite, 601 maisons incendiées et des dizaines de civils tués. Les massacres se répéteront à Barchon, Blegny et dans beaucoup d' autres localités de la région.
Le cimetière provisoire allemand. Le cimetière définitif sera réalisé après la guerre non loin de là.
Laurent Lombard, Choc de feu dans la nuit, Collection historique 1914-1918 - série: Ceux de Liège, Edition Vox Patriae, 1939
J.-L. Lhoest & M. Georis, Liège Août 14, Presses de la Cité, 1964
Liens sur l' offensive allemande en 1914: sambre-marne-yser.be
Rabosée aujourd'hui
Le cimetière actuel de Rabosée, dissimulé dans la partie haute du bois du Thier de Wandre, fut érigé au début des années 1920. Entouré de grands arbres, il demeure aujourd'hui le dernier vestige visible des terribles heures de 1914.
Quelques mois avant les journées du Patrimoine de septembre 2007 consacrées au patrimoine militaire et de l'organisation de visites de l'ancien champs de bataille, fut découverte cette pierre tombale (stèle) provenant de l' ancien cimetière allemand aujourd'hui disparu.
Un travail d' identification doit maintenant être fait et un petit monument devrait voir le jour pour les prochaines commémorations du centenaire des combats.