Durant les trois années qui ont précédé la mobilisation de 1939, beaucoup aimaient ignorer ce qui se préparait. En attendant les joies simples continuaient notamment vis à vis des enfants et ce fut très bien ainsi.
D'aussi loin que je me souvienne, il y a toujours eu à Saive un comité scolaire qui fonctionnait bien. Je sais que dans le conseil communal de l'époque, Monsieur Jean Offerman qui était échevin de l'instruction publique, s'y donnait corps et âme. Il se démenait pour trouver des cadeaux utiles pour les enfants (souvent des vêtements). Même en pleine guerre, il avait réussi à ramener des équipements de l'armée belge, capotes, pantalons et autres que l'on décousait, teignait chez Fifine Bierset. Flore Joly en faisait des costumes pour les gamins. Et il y a toujours eu beaucoup d' enfants à l'école de Saive (Entre 200 et 250 par périodes, pour toute l'école !).
Dès la rentrée de septembre, les inscriptions terminées, chaque enfant recevait dans son plumier un mot du titulaire de la classe avec les informations à remettre pour le lendemain matin. Elles permettaient de préparer, dès la rentrée, les cadeaux de Saint Nicolas. A l'école, riches ou pauvres, nous portions tous le célèbre tablier satin noir manches longues et pas d'hésitation pour le poignet comme essuies-plume, encre mauve et plume ballon.
Toute l'après-midi du samedi précédant la fête de saint Nicolas, madame Bertholet nous faisait chanter. Bien sûr chez les grand(e)s de M. et Mme André, le silence devait être absolu sur les préparatifs (avec amende à la clef !) car eux aussi seraient récompensés.
Le dimanche, c'était enfin le grand jour.
Depuis l'école nous partions en cortège, tout en chantant et formant de beaux rangs pour nous rendre à la salle Juvigné (L'Espoir) où nous attendaient nos parents et les autorités communales.
Le clergé était aussi au complet avec bien sûr Saint Nicolas impressionnant sur son trône. Madame Bertholet au piano, un souffleur sous la scène, des croix de craie sur le plancher, tous s'étaient donné un mal fou pour que cela marche comme sur du papier à musique.
Ensuite venait le moment tant attendu ; la distribution du cadeau accompagné d'une grande dame de couque garnie de sucre perlé avec une bonne orange. Ce cadeau pouvait être des chaussures. (Des brunes aussi bien pour les filles que les garçons que les parents rembourraient d'un bon bout d'ouate). Ou alors un pull de laine pour les garçons et une robe bleue marine pour les filles, une ou deux tailles au-dessus. Mais le cadeau le plus remarquable fut un beau caban caoutchouté avec capuche de la Belgica (Une petite fabrique de la région).
Bien après guerre, ces cabans continuèrent à être portés par les enfants du village !