De tout temps, les hommes ont su mettre en valeur les forces de la nature tout en tenant compte de l'environnement. Ainsi, le long de la Julienne, il y avait trois moulins à blé : le moulin Devigne à Légipont, le moulin Outers au Grand-Moulin et le moulin Lecloux-Dodémont au Mousset.
J'ai bien connu ce dernier, sa roue à aubes est restée longtemps contre le mur. Le débit de la Julienne était suffisamment puissant car elle recevait, au Mousset, les eaux du ruisseau d’Evegnée.
Pour faire tourner le moulin Lecloux, il y avait dans le Faury, une vanne qui déviait le cours du ruisseau dans un bief vers la roue à aubes.
Pendant la dernière guerre, Monsieur Hubert Lecomte, professeur à l'école technique de Herstal, avait équipé le moulin d’un gazogène comme il y en avait sur les voitures à cette époque. Le moulin Lecloux s’est arrêté définitivement dans les années cinquante.
Quant au moulin Outers du “Grand moulin”, il a cessé son activité bien des années avant la seconde guerre. La vanne du déversoir se trouvait à la sortie du Faury, près du sentier. qui montait chez Volders.
Le bief passait au pied du vieux château pour arriver sur la roue à aubes. Au pesage des sacs, il y avait une grande balance à plateaux.
Monsieur Outers avait deux filles, dont la petite, Maria, était le contre-poids idéal. Elle était mince et fluette. Elle pesait 49 kilos 600. Comme les sacs pesaient 50 kilos, le compte était bon. La différence, 400g, était pour le meunier qui cuisait ses pains pour lui-même, pour sa famille et pour les nécessiteux. Car, pour lui, la solidarité n’était pas un vain mot et il distribuait généreusement ses pains à tout qui était dans le besoin. "Li moûnî Outers", se plaisaient à dire les gens du coin, "c'èsteût on vî brave ome ! I n’soreû polu fé ritche ! II èsteut ossi bon qu’iI pan qui magnive !"
Et ce n’est pas Madame Yvonne Rombaux-Maréchal, la nièce de Maria “dè molin Outers” qui nous contredira. Elle habite Haute-Saive et elle doit s’en souvenir.
Au moulin de légipont habitait Monsieur Pirotte et sa famille (II fut garde-champêtre auxiliaire après la mort de Monsieur juvigné, tué par un robot).
Quelques mois avant la libération, les Allemands avaient amené à la caserne de Saive, des prisonniers de toutes nationalités, russes, polonais... Il y avait même deux Sénégalais. Ceux-ci parvinrent à s’évader. Jamais, les Allemands ne réussirent à les rattraper. Pourtant, ce n’était pas évident pour deux noirs de passer inaperçus. Et, à la libération, à la stupéfaction générale, on vit réapparaître deux grands diables à la peau sombre qui riaient de toutes leurs dents. Ils sortaient de la “houtche” du grenier à blé du moulin Devigne.
Ce fut une des surprises de la Libération. II y en eût d’autres, malheureusement moins gaies. Mais cela, c’est une autre histoire.