L'hiver 1939-1940
Marie Ernotte raconte

En cette année 1939, l'hiver débuta très tôt, à la Toussaint. Le cimetière était tout blanc de chrysanthèmes. Par jalousie sans doute, le jour même au soir, les cieux se déchaînèrent et il commença à neiger abondamment et ce, jusqu'au printemps.
Chaque dimanche, Marie et Catherine Machiels sonnaient le glas directement après les vêpres, de quatre heures de l'après-midi à neuf heures du soir. Avec maman, nous allions leur porter un thermos de soupe et sonner pendant qu'elles mangeaient.

Militaires belges cantonnés au Mousset. (Maison Lecane - TS Etat-major)

Un matin, quelle ne fut pas la surprise des habitants du Mousset de se voir coupés du Mosty par un mur de neige de plus de deux mètres de haut. Cela avait “ huilé ” depuis chez Faffra, le long du mur d'Antoine Delrez jusque chez Mme Maréchal. Mon grand-Père Fraikin, qui travaillait avec ses chevaux et le chasse-neige pour la firme Dozot de Heuseux, était bloqué ainsi que de nombreux ouvriers qui devaient se rendre à leur travail notamment à Herstal.
Heureusement, le village abritait plusieurs détachements militaires à différents endroits du village dont le Mousset (Nous étions faut-il le rappeler, en pleine “ drôle de guerre ”). La cantine des soldats belges se trouvait près de chez Marie Augustine Juvigné (sage-femme) rue Tesny. Les militaires sont venus nous aider à passer par les prairies de derrière pour se rendre à l'école, pendant que d'autres dégageaient la route le plus vite possible.
Vint enfin le printemps et la fonte des neiges.

Le petit pont du Mousset vers 1950

Le ruisseau étant toujours à ciel ouvert (Il ne sera canalisé qu'une dizaine d'années plus tard), il recueillait toutes les eaux environnantes qui souvent débordaient pour envahir tout le hameau (le Mousset formant une grande cuvette naturelle).
L'inondation, cette année-là, partit de la route de la cité, couvrit le bas des prairies Lemlyn, le terrain de basket, le trop plein des deux ruisseaux réunis, remonta légèrement le chemin du bois, traversa la cour leclercq, leur prairie pour finir près de chez Assunta Bonazzi, en incluant aussi le Fô-Ry. A toute allure, les eaux déferlèrent chez les Beaujean, Crahay et les autres propriétés avoisinantes. Le pont de Maria Joly, en billes de chemin de fer, fut emporté.
Même lorsque toutes ces eaux eurent repris le cours normal, en se retirant des prairies et chemins, le sol demeura marécageux. Il en était ainsi, même par temps de sécheresse. L'herbe est toujours drue et verte, mais les terrains restent spongieux. Nous avons vu maintes fois les chevaux de chez Lemlyn, des gros de labour, des gris ardennais, s'enfoncer jusqu'au ventre en mangeant cette herbe et en ressortir péniblement.
Le printemps n’était pas encore achevé que le 10 mai 1940, ce fut la guerre.

Marie Ernotte - 15.01.2007