Mémère Dalie, notre bien-aimée, fut notre mémère à tous, grands et petits, parents ou étrangers !
Marie-Idalie Housset-Fraikin, surnommée Dalie, est née à Housse en février 1866, quatrième d'une famille nombreuse. Sa maman décéda peu après la naissance de son petit frère, alors qu'elle avait 5 ans.
Lorsque son petit frère atteignit l'âge de 18 mois, son père plaça la fillette en service pour faire paître une vache sur les bords de la route. Cela était courant dans les campagnes à l'époque. (Elle ne disposait d'une prairie que le dimanche) Ainsi elle était nourrie. Son petit frère lui disait quand on leur apportait de quoi manger, "éco on pô Dalie, djà cô faim mî !".
Mémère a toujours dit qu'elle avait eu une bonne patronne, qu'elle était gentille et lui avait appris à tricoter un bas « in tchôse ». Aussi, jusqu'à la fin de ses jours, elle a tricoté pour nous et pour tout le Mousset ! Ses bas n'avaient guère besoin d'élastique puisqu'elle réalisait toujours un mollet en faisant des diminutions (Ce qui demandait bien plus de travail !).
Sa place favorite était l'angle de la chapelle du Mousset. Elle avait l'habitude d'ouvrir son tablier et couvrir un petit coin du banc pour nous. La petite Yvonne Ponssen qui était de santé délicate, s'est endormie bien des fois contre elle, ainsi que nous tous.
Son époux, notre grand-père Michel Housset, né à Queue-du-Bois en mai 1851, ne savait ni lire ni écrire. Il est venu habiter au Mosty « àl blanc môhone ». Le lendemain de son arrivée, il fut éborgné par une grenaille le dimanche de la fête au village (En face du magasin l'Espoir), lors du tir des campes.
Il rencontra notre Mémère à l'époque où elle travaillait chez Sidonie Nicolaï (vers 1885). Celle-ci était veuve avec trois garçons.
Sidonie et ses belles-sœurs, Anna et Marie, étaient marchandes de lait, leur frère Dieudonné avait un cheval et une charrette, récoltait le lait dans les fermes, puis ils partaient tous ensemble faire leurs tournées à Liège.
Quant à leur sœur Catherine, muette de naissance, elle faisait le ménage, gardait les deux plus jeunes, Maria et Jean et de plus avec une charrette à bras, allait chercher la traite du soir chez les fermiers pour la mettre à refroidir dans le ruisseau du Mousset, pour pouvoir partir plus tôt à Liège le lendemain.
Les premiers jumeaux sont nés et décédés au Mosty, tous les autres enfants ont vu le jour dans la petite maison du Mousset. C'est quand Michel s'est aperçu que sa maman avait vendu son lit (elle avait été veuve relativement jeune) et qu'elle devait dormir sur de la paille, qu'il décida de venir habiter avec toute sa famille chez elle, pour l'aider.
Notre grand-père était devenu armurier. Mémère s'est mise à travailler avec lui, allant à pied à Liège rue Chéry, chercher le travail puis le rapporter ainsi que ceux de Maria Blistin de Sur-Miermont. Elle en profitait pour ramener certaines denrées.
Elle revenait avec le tram quand on la payait bien. De plus, de temps à autre elle recevait un petit supplément pour payer ce tram. Seulement notre petite futée, puisqu'on lui offrait son ticket, ne le présentait que la semaine suivante, rapportait plus de travail, surtout l'hiver et ne revenait plus à pied.
Quand oncle Léonard (l'aîné des enfants encore en vie) est allé à l'école, elle lui a dit : "Vous m'apprendrez tout ce que vous faites à l'école". C'est ainsi que petit à petit, elle a commencé à lire et écrire.
Lors de leur mariage, tous deux avaient signé le registre d'une croix mais quand elle a su lire, elle a pu constater la grande différence d'âge avec son époux et lui a dit : "Dit Michel, tu es 15 ans plus âgé que moi !", " Oh ! Mais Dalie", répondit-il, "il y a tant d'années que je suis sur terre que je ne sais plus !"
Mon papa nous a toujours dit que pendant la guerre de 14-18, ils ont mangé des crêpes de blé vert. Mémère aurait dû hériter de son père vers le 20 août 1914. Malheureusement la guerre éclata peu avant. Tous les avoirs se trouvant chez un notaire, partirent d'office en Angleterre ce qui engendra une misère noire.
Papa et Joseph Lallemand rentrant à midi de l'école, étaient toujours les deux premiers sur le pont du Mousset. (Catherine Lallemand née Rensonnet, était veuve également avec trois enfants).
Avant son mariage, quand mon papa était plus jeune, il y avait une femme toujours vêtue de noir au village (Une sœur de Joseph Delrez). A cette époque, pas d'éclairage public, c'étaient les bons vieux quinquets au pétrole.
Un jour, au tournant du Mousset, au coin de chez Graillet, Tante Mimie Hesselt, se trouva nez à nez avec cette dame, fut très effrayée et contracta la danse de St Gui (1).
Aussi, notre Mémère Dalie, avec sa voisine Lidonie Nicolaï, décidèrent d'aller en pèlerinage à St Vith à pied. Elles mendièrent tout le chemin, mangeant le peu qu'elles avaient emporté ou le repas qu'un fermier leur avait offert, et dormant dans les fenils. Elles mirent trois jours pour y arriver. Le retour se fit en train et tram. Dans ce genre de périple, on ne mendiait que le prix du trajet du retour. S'il y avait du surplus, on le donnait aux pauvres.
Dès leur retour, mon papa leur dit: "Vous êtes arrivées à Saint Vith un tel jour, à une telle heure, parce que vers cette heure là, son agitation a commencé à diminuer et elle s'est assoupie lentement".
Toutes deux ne purent que confirmer ce qu'il disait. Bien qu'elles étaient épuisées, elles avaient éprouvé du soulagement en entrant dans l'église de Saint Vith. Une intuition ?
Depuis ce jour, Tante Mimie a voué à son petit frère Pierre, une affection très profonde. Elle était devenue cardiaque depuis cet accident mais quand elle le pouvait, elle venait au coin de chez la vieille Sophie Courtois pour lui faire un signe de la main quand il partait travailler au charbonnage des Quatre-Jean à Queue-du-Bois.
Pour des raisons de santé et de facilité, ils déménagèrent voie de La Hayette.
Tous les soirs (Il travaillait de nuit) en se promenant, elle se rendait à la barrière du charbonnage pour voir papa entrer dans la cage et le regarder descendre lui faisant son petit signe de la main et lui dire: "A demain !".
Il a dû lui demander par après ce qu'elle disait car avec tous les bruits alentour, il ne pouvait rien entendre.
Certains mineurs demandèrent :
- Pierre, c'est ta femme, ça !,
- Non, c'est ma sœur.
- Et bien elle t'aime, hein !
Et lui de leur raconter le pourquoi. Ils furent tout retournés.
Mémère Dalie est décédée en septembre 1953 à l'age de 87 ans et son souvenir perdure toujours dans la mémoire des anciens du Mousset.