C'est après le départ du Curé Hacken comme chanoine à l'évêché que l'abbé Knubben qui provenait de Bellaire fut nommé à Saive. Sa servante était Mademoiselle Aline Paquot, originaire d' Amay. Il était natif de Berneau où ses parents exploitaient la ferme familiale.
Connu pour son caractère bien trempé, il réorganisa la paroisse à sa manière. La paroisse dut se contenter de vicaires dominicaux. Ils vinrent du Bouxhay (Jupille) dont les chanoines de latran, le révérend père Van Zanbeck, les pères Smulders, Schreibert et le père économe l'abbé Publieckhuisen.
Le dimanche nous avions trois messes (7h30, 8h30 et grand-messe chantée à 10h). Pour le père qui était de service à la messe de 7h30, arriver à temps était presque impossible puisque, le dimanche, le tram n' arrivait justement qu 'à 7h38 au Mosty.
Pour être suffisamment en avance pour préparer l'office, le vicaire devait prendre le premier tram jusque Jupille (l' arrêt Lochet) puis continuer à pied le long des rails jusqu'au fond de Cohy, traverser le bois jusqu'à La Motte puis Saive.
L'été, le bois était praticable mais l' hiver la neige comblait tout. Ils s'égaraient facilement, aussi Alphonse Charlier ou d'autres fermiers allaient à leur rencontre jusqu'au Fond de Cohy. Mon papa y est allé deux ou trois fois pour remplacer un fermier qui avait une vache qui allait vêler. Il était mineur de nuit aux Quatre-Jean pour l' entretien du puits, ne rentrait pas chez nous avant 6 heures du matin et allait à la rencontre du Père avant de regagner son lit.
A l'époque, nous connûmes quelques hivers rudes, glaciaux avec d'abondantes chutes de neige, ce qui compliquait fortement tout déplacement.
Pendant la guerre, notre curé avait pris deux grands chiens noirs, Bella et Stella. Quand l' occupant sonnait à la porte cochère, le fait de devoir rentrer les deux fauves permettait à un recherché ou l'autre (cachés au presbytère) de courir se cacher ou s' enfuir.
Notre Curé et le Bourgmestre (Jean Offermans - Socialiste) travaillaient tous les jours aux secours d' hiver. Ils étaient un peu nos « Pépone et Don Camillo » mais avec une culture bien supérieure! Ils n' avaient l' un et l' autre comme objectif que le bien de tous.
Il n' a pas fait de choses exceptionnelles pour la paroisse mais c' était un homme bon (Il en a aidé plus d' un notamment pendant les 5 ans de guerre).
En janvier 1953, l'hiver fut très rude. Un samedi, il avait neigé abondamment. Il y avait des congères un peu partout. C'est alors que la radio annonça un raz de marée à la côte (1). Ma maman l'avait entendu en arrivant à l' église. Mlle Aline l'a confirmé de suite aux trois messes et Monsieur le curé organisa immédiatement une collecte destinée aux sinistrés de la côte. Il récolta ainsi 16.000 francs ! (Nous étions en 1953 !) Ensuite la J.O.C. (2), prit le relais en répondant à l'appel de M. le Bourgmestre. Elle récolta environ 19.000 frs (Le Bourgmestre nous avait fait un bon feu dans le gros poêle de la maison communale ainsi que deux grosses cafetières que sa dame lui avait remis). Pas si mal pour un petit village.
L’abbé Knubben avait acheté une automobile F.N. (une caisse carrée) aux époux Gilson. Celle-ci lui permit d'aller quelques fois à Lourdes avec Mlle Aline. (Le prêtre de l'époque devait dire sa messe journellement. Ils pouvaient organiser leur pèlerinage en demandant l'hospitalité dans les couvents se trouvant sur leur itinéraire voire même à Lourdes.)
Lors du retour d'un de ces pèlerinages, il avait demandé à Catherine Machiels (Elle s'occupait avec sa sœur Marie de l' entretien de l' église) si elle pouvait se permettre de faire un peu d'économies pour pouvoir venir avec eux lors du prochain voyage. Le bouche à oreilles fonctionna rapidement et bien peu restèrent insensibles lors du départ pour Lourdes et contribuèrent à aider Catherine.
Voici une anecdote amusante pour finir : Quand vous alliez à la cure pour du miel, (Le passe-temps de notre curé étant l' apiculture (3)) il vous disait : « Va voir notre Aline ma servante ». En Wallon c'était différent : « Dimand'el a noss t'aline ». Que l'on aurait put comprendre comme « demande à notre Staline ! ».
En pleine querelle confessionnelle et guerre froide, ces propos étaient sources de bien de moqueries au point qu'une revue fut mise sur pied au village avec notamment les frères Ruwet (Alfred et Joseph) reprenant ces jeux de mots et autres situations cocasses sur la rivalité entre catholiques et socialistes. Ceci sans jamais chercher à blesser qui que ce soit.
(2) JOC: Jeunesse Ouvrière Chrétienne - JOCF: Jeunesse Ouvrière Chrétienne Féminine.
(3) On prétend que pour se débarrasser de quelques gêneurs, il aurait ouvert une ruche pour lâcher les abeilles sur ceux-ci. Connaissant le caractère de notre homme, c' était tout à fait possible.
Lui-même n' jamais confirmé ou infirmé cette rumeur.